Wolfgang Krolow

J’avais offert à Éric qui par­tait faire son ser­vice mili­taire à Ber­lin, le numéro de la revue Autre­ment sur cette ville. Il y avait au milieu des textes un cahier photo avec des images de Wolf­gang Krolow.

Un des amis d’Éric avait ren­con­tré, par hasard, Wolf­gang dans Kreuz­berg. À son retour au quar­tier Napo­léon, la caserne fran­çaise il le lui avait raconté. Éric, se sou­ve­nant du nom de Kro­low, vou­lut le ren­con­trer à son tour, fas­ciné qu’il était par ces pho­to­gra­phies qui par­laient si bien de Ber­lin et du Kreuz­berg des années 80. Quelques jours après, dis­cu­tant ensemble, Éric lui parle de moi comme vou­lant venir à Ber­lin sans avoir de point de chute et Wolf­gang de lui pro­po­ser spon­ta­né­ment de m’héberger.

Et me voilà, le mois sui­vant, avec une adresse et un numéro de télé­phone grif­fon­nés sur un bout de papier arri­vant au petit matin après la longue tra­ver­sée en train de l’Allemagne de l’Est. Je sonne. Wolf­gang ouvre la porte et me demande tout en par­tant vers la cui­sine « Möch­test du ein Kaf­fee ? » J’ai ainsi passé deux semaines chez lui.

L’année d’après, lorsque ce fut mon tour de faire mon ser­vice mili­taire et que je me retrou­vais égale­ment à Ber­lin, je fon­çais sur la Cha­mis­so­platz dès ma pre­mière auto­ri­sa­tion de sor­tie pour revoir Wolf­gang.

Il me passa un double des clés de son appar­te­ment et j’eus ainsi mon pied à terre dans la Willibald-Alexis-Straße pen­dant mon année berlinoise.

Wolf­gang regar­dait avec bien­veillance les images que je lui appor­tais sans jamais toute fois en être plei­ne­ment satis­fait, entre­te­nant ainsi ma frus­tra­tion de recon­nais­sance en me pous­sant tou­jours à reve­nir avec de nou­velles photographies.

Nous n’avons jamais beau­coup parlé ensemble. Je ne com­pre­nais pas tel­le­ment bien l’allemand ni l’anglais mais nous n’avions pas besoin d’échanger beau­coup de parole pour être bien ensemble.

La der­nière fois que j’ai vu Wolf­gang c’était en 1992, lors de mon der­nier séjour à Berlin.

Un matin, en début de cette année, je me suis réveillé avec un étrange sen­ti­ment, j’avais la qua­ran­taine, j’étais pho­to­graphe, je vivais dans un grand appar­te­ment dans une capi­tale, seul… j’étais comme Wolf­gang au même âge. Je venais d’atteindre mon modèle.

Quand je suis revenu cette année à Ber­lin, grâce à Han­ne­lore, j’ai cher­ché à le retrou­ver. Après plu­sieurs mails envoyés un peu au hasard, Giu­seppe de Siati et Edith Siep­mann me répon­dirent en me don­nant sa nou­velle adresse et son numéro de télé­phone qui n’avait fina­le­ment pas changé.

Nous nous sommes revus et ce fut comme si nous nous étions sépa­rés la veille… en dehors du fait que, désor­mais, Wolf­gang se déplace en fau­teuil rou­lant. Il télé­phona au café du coin pour com­man­der deux cafés qu’il m’envoya cher­cher car sa machine était en panne, il but quelques gor­gées et rap­pela de nou­veau pour dire que les cafés n’étaient pas bons. Je suis retourné en prendre deux autres. Je pas­sais le voir presque tous les jours et nos sor­ties avaient tou­jours ce rituel de la quête du bon café. Nous avons parlé de nos amours, de Ber­lin, de la presse et de la photo…

Il doit par­ti­ci­per à une expo­si­tion col­lec­tive sur Kreuz­berg à la Marhei­neke Mark­thalle dans le cou­rant du mois d’octobre. Je lui ai pro­mis de reve­nir pour le vernissage.

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