Glasgow
Dans la voiture qui file dans le paysage ondulé. Nous nous rapprochons de Glasgow. Les enfants dans leur car scolaire s’amusent à saluer ou faire des grimaces à travers la vitre comme partout dans le monde. L’uniforme qu’ils portent ajoute un côté transgressif à leurs gestes de gamins et je réponds à leurs sourires.
Les bâtiments institutionnels en pierre sombre sont massifs comme pour dire qu’ils sont là depuis longtemps et que ça va encore durer toujours.
Dès que l’on s’éloigne les quartiers touristiques piétonniers transformés en galeries marchandes à ciel ouvert (et que l’on retrouve désormais dans toutes les villes du monde avec les mêmes enseignes globalisées), on ressent la ville comme une structure organique. La W Regent Street est comme la colonne vertébrale d’un dragon qui montent jusqu’au Blythswood Square et où la ville redescend de part et d’autre.
Parallèlement aux grandes artères (Street) de circulation où se trouvent les vitrines des magasins, il y a de petites voies (Line), reprenant le nom de la grande rue, pour ravitailler les restaurants et livrer les boutiques, stocker les poubelles et fumer pendant la pause… C’est là que s’installe une autre ville, des passages possibles vers d’autres choses…
Dans les quartiers d’affaires, hommes et femmes s’activent et, à la qualité de leurs costumes, semblent croire à leur importance, mais seule la ville est solide. Je n’arrive pas encore à percevoir sa personnalité, mais comme partout ailleurs c’est elle qui décide. Elle a ses lois, ses exigences, ses traditions, son caractère, ses tabous, ses contradictions…
Il y a des panneaux annonçant que tels immeubles ont été construits ou rénovés grâce à l’Europe. Il va peut-être falloir bientôt effacer ces traces d’une histoire ratée. À moins que l’Écosse ne quitte le Royaume-Uni dans lequel elle avait choisi de rester de peur que sinon l’Europe ne veuille plus d’elle…
Certaines architectures rappellent d’autres villes et construisent des correspondances, des portes menant de l’une à l’autre. Plus on visite de villes, plus on apprend à connaitre ces passages dérobés. Progressivement deux mondes cohabitent, le réel mouvant alimentant l’infini imaginaire porté par toutes les personnes qui voyagent, se croisent, se mélangent, s’échappent…
Un journal local parle de la résistance d’un pub symbole d’une époque et de la vie étudiante dans une rue qui ne veut pas disparaitre. Cette rue est occupée de petites boutiques dont les vitrines sont grillagées comme à New York. Cela donne la sensation que ces dispositifs sont à suite à des pillages lors d’émeutes. Je ne sais ce qu’il en est réellement.
La promotion immobilière, les grands groupes financiers, les grandes enseignes colonisent la ville pour abraser le fabuleux et ramener tout à chacun à la pathétique fonction de consommateur. Les portes dérobées ferment puis disparaissent, l’imaginaire appauvri pendant que les comptes en banques s’enrichissent…
Alors, que l’on soit riche ou pauvre, tout finit dans l’alcool. C’est désormais l’élixir de la convivialité oubliée et du désordre et de la perte de contrôle et de la destruction qui permet de maintenir des failles dans les cerveaux desséchés en quête d’un idéal qu’aucune carte bancaire ne peut rendre accessible.