Mémoires éthiopiennes

Presque au milieu de la ville, un immense monument à la gloire de la révolution communiste éthiopienne des années 70 et aux Cubains venus l’aider, entre ses grilles mal fermées, quelques arbres… On n’y ferait presque pas attention si on ne le cherchait pas un peu.

On retrouve toute la quintessence de l’esprit africain et éthiopien, les époques sur superposent, mais aucune ne détruit l’autre sinon pas sa propre usure aux dégradations du temps.

D’ailleurs un peu plus loin il y a encore une statue à la gloire du roi des rois qui fut portant renversé par cette même révolution communiste.

Derrière on aperçoit les logos de grandes marques d’équipement téléphonique…

C’est le côté fascinant de ce pays. Que ce soit l’occupation italienne, le passage des Français avec leur chemin de fer, des Arméniens, des Turcs et autres communautés qui a cru pouvoir assoir son pouvoir définitivement. Les Éthiopiens les ont regardé faire et les ont laissés s’agiter puis s’enliser.

Quelle est la pensée de l’Éthiopie aujourd’hui ? Nous n’avons pas accès à la pensée de ses intellectuels, nous n’avons que des chiffres de croissance, d’indice de développement, des statistiques économiques. Si bien que l’on angoisse pour eux de voir le monde changer si vite. Nous savons ce que cela a provoqué chez nous et nous pouvons le pressentir chez eux. Mais sont-ce les mêmes peurs ? Leur passé est notre nostalgie en miroir de notre propre passé, mais peut-être ne voient-ils pas les choses de la même manière ? Nous croyons trop facilement que notre mode de pensée est LE mode de pensée.

Qel rapport au temps, à la mémoire, aux souvenirs, à l’époque, au désir de consommation, d’individualisme, quelles sont les projets collectifs profonds loin des jeux politiciens ? En Europe nous avons un matériel théorique riche de centaines d’années, mais n’avons-nous pas besoin d’en sortir et de nous nourrir d’un peu du leur ?

L’Éthiopie est un continent qui n’a que peu faire de la France, étonnée que nous venions de si loin pour leur rendre visite voir leur instant de basculement.

Tout en bas de l’avenue un musée de la terreur rouge.

Travail de mémoire, d’éducation entre kitch et horreur palpable des conséquences et de l’arbitraire d’un régime sanglant.

L‘avenue sera-t-elle assez longue pour le prochain lieu de mémoire ? On a cru que le 21° siècle solderait le 20°. Plus lucide, plus fin, mais o voit bien que l’Histoire continue selon sa logique propre qui nous échappe définitivement…

Et toujours ces visages sur les photos. Que sont devenus les morts d’avant la photographie ?

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