Berlin, encore et toujours…
Le titre de l’introduction de mon livre “BERLIN” est “Basculement”. Basculement des années 89 – 90 pour la ville et le siècle, basculement des idées et des utopies, basculement de ma propre vie dans le passage à l’âge adulte…
Aujourd’hui, je suis encore dans cet état, entre-deux. Un nouveau basculement. Quittant le Berlin des années 80, pour enfin, avec 20 ans de retard, revenir dans celui des années 2010.
Sans jugement sur l’époque malgré mes idées reçues, sans retour au passé malgré mon caractère nostalgique, sans regret malgré mes erreurs. Je suis dans cet état que j’affectionne le plus : le doute. Ce frémissement de peur de ne plus savoir qui ou quoi, où tout est remis en question. Ce sentiment de ne peut-être plus être à la hauteur de cette nouvelle période.
Vais-je savoir encore raconter des histoires en images qui tiendront la route ?
La réponse viendra des autres et du temps.
Suis-je encore capable de repartir de rien, de créer les conditions de mon étonnement, de mon émerveillement pour le monde ?
Il suffit de faire la petite liste de mots suivants :
Spartakistes, III° Reich , Gestapo, solution finale, Deuxième Guerre Mondiale, blocus, pont aérien, DDR, Vopo, Guerre froide, Mur, espionnage…
pour que l’on sente le frisson de la transcendance de la Grande Histoire bien trop immense, pour que les images affluent…
Le souffle de Berlin fut tellement fort durant tout le 20ème siècle, il emporta tant de monde à la mort que l’on entre encore dans cette ville comme dans un sanctuaire.
J’ai peur de ne plus savoir saisir que la surface des choses et de basculer à mon tour dans le risque qui pèse sur la ville, le pastiche de sa propre histoire.
Pourtant si la ville ne doit rien oublier de son lourd passé, elle doit aussi vivre sa nouvelle histoire, réinventer un universalisme au-delà des fêtes technos, des touristes qui viennent y boire jusqu’au coma éthylique et des gentrifieurs qui achètent à tour de bras des appartements encore bon marché en vue de plus-values juteuses. La gangrène du fric n’épargne personne…
Je refais la visite de ces lieux “mythiques” dont la force demeure malgré tout, entre désillusion et kitch, à l’image de la vie, à l’image de la ville…
Mon séjour fut trop rapide pour que je puisse avoir le temps de construire une nouvelle histoire, le prochain voyage sera celui de quelque chose de nouveau.