Lyon, ville inachevée

Lyon est une ville que j’ai du mal à appri­voi­ser, dans laquelle j’ai peur de me lais­ser aller.

À chaque fois que j’y suis allé, c’était pour retrou­ver mes amours. Et même les fois où j’avais une rai­son “valable” pour m’y rendre, c’était pour ten­ter de retrou­ver ces amours.

Du coup, Lyon est pour moi une ville inache­vée, une ville où je n’ai jamais eu le temps de construire quelque chose. Je tra­verse les quar­tiers sans les relier les uns aux autres, me perds dans les pas­sages avec tou­jours la même émotion devant les mêmes pay­sages oubliés et redé­cou­verts à chaque visite.

Cette ville m’a tou­jours fas­ciné, j’ai tou­jours eu le désir d’y vivre un jour comme on rêve depuis l’enfance d’aller sur l’île de Pâques tout en sachant qu’on n’entreprendra jamais ce voyage. Et ces amours qui se rap­pellent per­pé­tuel­le­ment et viennent brouiller ma per­cep­tion des lieux.

Je com­mence à prendre quelques images puis m’arrête comme si je ne vou­lais pas appro­fon­dir la connais­sance des rues, ne pas ter­mi­ner l’histoire de mon rap­port avec cette ville tant que celles de ces amours n’auront pas véri­ta­ble­ment commencé.

Ces der­niers mois, j’y ai fait quelques incur­sions, pour reprendre, relan­cer, pour­suivre, redé­cou­vrir et, semble-t-il, clore ces amours.

La pre­mière fois que j’y suis allé, j’habitais seul dans un appar­te­ment en face duquel vivait une vieille dame que je suis allé visi­ter. Elle avait bien dans les 80 ans, mais son regard pétillait mer­veilleu­se­ment à l’évocation de ses amours de jeune femme. Elle a ter­miné notre entre­tien en me disant, “J’ai plus de 80 ans et je me sens encore avoir 20 ans, je suis seule main­te­nant et la vie passe si vite”. J’étais trop jeune pour res­sen­tir ce qu’elle m’avait dit, mais je me suis pro­mis de ne jamais oublier cette phrase que je savais pou­voir com­prendre plus tard. Je pense encore sou­vent à cette vieille dame.

Mes amours dans cette ville, ou dans ses proches envi­rons, ont tou­jours été com­pli­qués comme la ren­contre de deux mondes qui s’attirent irré­sis­ti­ble­ment, mais n’arrivent pas à se com­prendre, accu­mu­lant les incom­pré­hen­sions fati­gantes, les petites erreurs aga­çantes, les décep­tions tristes… et ne lais­sant fina­le­ment la place qu’à la las­si­tude et l’usure réci­proque de ces attentes insatisfaites.

Et au milieu de la ville il y a les amis qui m’hébergent à chaque fois que je m’y rends. Leur mai­son est un jar­din, monde en soi, un uni­vers de ten­dresse, de dis­cus­sions poli­tiques et phi­lo­so­phiques qui m’ont tou­jours per­mis d’avancer dans ma vie bien plus loin qu’ils ne pour­raient le penser.

Et puis il y a le chat qui écoute…

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